Que deviennent les femmes âgées en Inde lorsqu’elles perdent leur mari, lorsqu’elles n’ont pas de revenus, lorsqu’elles ne peuvent plus travailler ? Dans les villes et les campagnes, il nous arrive régulièrement d’être sollicités par des femmes un peu courbées, faisant signe de la main qu’elles ont faim, qu’elles n’ont rien. Quel est leur sort ? Aujourd’hui, deux films tournés dans le Tamil Nadu, « Saints of Pondicherry » de Ogynyan Enev et « Cry Humanity » de Amshan Kumar, répondent à ces questions. Basés sur des faits réels, ils montrent une Inde souffrant de nombreuses inégalités, notamment en ce qui concerne la condition des veuves. Dans « Saints of Pondicherry », Royal, homme généreux d’une cinquantaine d’années, s’occupe d’un groupe de vingt veuves délaissées en les acceptant dignement dans Mahathma Gandhi Home for the Aged in Pondicherry. Cette maison d’accueil fondée par son père adoptif hollandais Albert Zwaan offre un habitat bienveillant à une poignée de femmes. Royal présent lors de la projection est identique à ce qu’on découvre de lui dans le film : il rit, s’esclaffe, essuie les larmes naissant au coin des yeux. Une incarnation de la beauté intérieure dans le don qu’il offre à ces femmes démunies, dans une simplicité et une joie de vivre exemplaire. Le documentaire dépourvu de fioritures a pour objet de faire connaître le travail de la maison d’accueil afin de récolter quelques fonds et peut-être inspirer d’autres bienfaiteurs. On peut le faire en consultant le site www.regainingdignity.org. Mais les innombrables autres femmes indiennes, que deviennent-elles ?Dans le film « Cry Humanity », on comprend la tragédie de ces femmes, pour lesquelles rien ne sera possible. Un fils d’une trentaine d’années tente d’enterrer son père dignement, mais en est contraint de par son appartenance à une caste inférieure. Jugement au tribunal. Recours à la police. Rien n’y fera malgré les articles de la constitution indienne déclarant l’égalité pour toutes et à tous quels que soient l’âge, le sexe, la caste, malgré le recours à la justice, malgré la bataille engagée. Dans la vie comme dans la mort, la famille subit une discrimination scandaleuse. Quant à la veuve, dont la plainte traverse l’écran pour quasiment toute la durée du film, on ne connaîtra son destin, mais on peut l’imaginer. La misère. Une tragédie qui nous concerne tous, tant l’injustice nous éloigne de toute forme de dignité. Noëlle Mathis